Venez découvrir Pierre Yves GALLARD - Origamiste créateur de l’Affiche 2024
Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Pierre-Yves Gallard. Au quotidien, je suis professeur de lettres. Lorsque mon métier m’en laisse le temps, je pratique l’origami et la photographie. En combinant ces deux moyens d’expression, je cherche à fabriquer des images qui s’animent : mon objectif est atteint quand, en observant mes photographies, on a le sentiment de voir une feuille de papier prendre vie.
Comment vous est venue l'envie de créer des origamis ?
Petit, je faisais des pliages de bateau et d’avion en papier dans la cour de récréation, puis j’ai laissé de côté tout ça en grandissant. J’ai redécouvert l’origami il y a une dizaine d’années en tant que pratique qui offre des possibilités créatives importantes. Je me suis notamment aperçu grâce à Internet qu’il y avait toute une branche de l’origami qui ne se contentait pas de simplement reproduire du pliage basique, mais qui explore les possibilités de créer des sujets nouveaux avec la recherche d’un style vraiment esthétique et avec des possibilités techniques qui étaient vraiment plus larges que ce que j’imaginais.
Comment avez-vous appris à créer des origamis ?
J’ai beaucoup appris en autodidacte. Tout d’abord, j’ai reproduit des modèles créés par d’autres personnes. Internet est une ressource formidable pour cela, car il existe de nombreux tutoriels vidéo qui rendent l’apprentissage de cette pratique accessible. Au fur et à mesure que je me perfectionnais techniquement, j’ai appris à lire les diagrammes présents dans les livres et manuels d’origami. Cela m’a permis de mieux comprendre les techniques et de progresser.
Une fois mes bases techniques acquises, après avoir reproduit suffisamment de modèles, j’ai pu décrypter les principes qui sous-tendent leur création et leur design. C’est ainsi que je me suis progressivement lancé dans la conception de mes propres modèles. Ce basculement s’est produit après environ 5 ans d’interprétation de modèles créés par d’autres.
Un peu comme un musicien apprend, en jouant les partitions écrites par des compositeurs, puis en se lançant dans l’improvisation et la composition. À force de reproduire des créations, on finit par s’approprier les principes de base et on peut ensuite les utiliser pour créer ses propres œuvres.
Aviez-vous une méthode particulière pour créer vos propres modèles ?
Ma méthode de création est très variable. Parfois, je cherche à réaliser un modèle précis que j’ai en tête. Par exemple, je veux créer un oiseau avec des contraintes spécifiques : un bec, une tête, une queue, et pour un rouge-gorge, un changement de couleur sur la gorge. Tout cela en utilisant les deux faces du papier pour obtenir deux couleurs différentes.
Dans ce cas, je définis un cahier des charges en amont et je réfléchis ensuite aux solutions techniques pour parvenir au résultat souhaité. Concrètement, il s’agit de déterminer le nombre de pointes nécessaires à partir d’une feuille de papier carrée, en utilisant les techniques de pliage, pour représenter les différents éléments du modèle.
Prenons l’exemple de l’oiseau : j’ai besoin d’une pointe pour chaque aile, une pour la queue, une pour le bec et une par patte, soit un total de 6 pointes à partir d’un carré qui en contient 4 à la base.
La création peut également suivre un cheminement plus libre. Il m’arrive d’explorer une base de pliage sans objectif précis, puis de réaliser qu’elle peut être utilisée pour représenter un lapin, un personnage, etc. Dans ces cas, je laisse libre cours à ma créativité sans chercher à reproduire quelque chose de précis, jusqu’à ce que je décide de rationaliser le pliage pour obtenir un animal, une personne, etc.
Par exemple, le Joker de l’affiche du Festival des Jeux 2024 n’était pas à l’origine destiné à représenter ce personnage. Mon intention était plutôt de trouver une solution technique simple pour créer un personnage complexe en origami, avec des membres distincts permettant différentes postures. C’est un défi particulier, surtout si l’on souhaite le réaliser sur une seule feuille de papier, car cela peut épaissir les membres et nuire à l’élégance du résultat.
Je suis donc parti de la création d’une silhouette humaine, et c’est ensuite que l’idée du Joker m’est venu.
L’utilisation de plusieurs feuilles de papier assemblées par des techniques de pliage, sans colle, m’a permis de dépasser la limitation des deux couleurs habituellement imposée par l’origami sur une seule feuille.
Ces contraintes, loin d’être limitatives, stimulent ma créativité. Comme dans toute discipline, elles imposent un cadre qui, une fois compris, permet de trouver des solutions inventives.
Qu'est-ce qui est le plus complexe dans un pliage ?
La difficulté d’un pliage ne réside pas toujours dans le nombre d’éléments à réaliser. Il existe des modèles très complexes, comme les dragons, où chaque écaille, griffe et dent doit être reproduite. Ce type de complexité attire certains adeptes, mais ce n’est pas mon esthétique.
Parfois, ce qui rend un modèle délicat à réaliser, c’est au contraire sa simplicité. En effet, un pliage apparemment simple ne tolère aucun défaut. Dès lors que l’on s’engage dans un pliage minimaliste, la moindre ligne imparfaite compromet le résultat final.
Par exemple d’un point de vue technique, les pies sont d’un niveau nettement plus avancé que les rouge-gorges. Mais justement, ces rouge-gorges ont des lignes tellement simples que la moindre imperfection sera visible et nuira au résultat final. De ce point de vue, ils demandent une précision plus importante car ils tolèrent moins bien les erreurs. Comme je réalise plutôt des modèles aux formes simples, j’accorde beaucoup d’importance aux détails
Comment avez-vous été choisi pour réaliser les origamis de Sea Salt and Paper ?
L’éditrice de chez Bombyx, en charge du jeu, a d’abord échangé avec les deux concepteurs des règles, Bruno Cathala et Théo Rivière. Ils ont conçu une mécanique de jeu sans idée précise des illustrations qui l’accompagneraient. Ils se sont dit que pour un jeu de cartes inspiré des jeux de cartes japonais, le style origami serait intéressant.
L’éditrice était d’accord sur le principe, mais elle ne voulait pas d’images réalisées par ordinateur, mais de vrais origamis photographiés. Elle a donc recherché des origamistes français. En effectuant des recherches, elle est tombée sur mon site internet et ce qui a retenu son attention, je pense, est que mon travail ne se limite pas au pliage. Je m’intéresse également à la photographie et à la mise en scène des modèles. Il existe de nombreux créateurs talentueux qui réalisent des modèles magnifiques, mais qui sont moins intéressés par la création d’images à partir de ces objets. Pour moi, l’objet fini est le modèle mis en scène et photographié pour lui donner vie.
Au départ, ils hésitaient entre le thème du jardin et celui de la mer. Mais en discutant avec eux, nous sommes partis sur le thème de l’univers maritime. Ils n’étaient pas bloqués par une idée préconçue de ce qu’ils voulaient. Il y avait des critères bien sûr, mais ils nous laissaient beaucoup de liberté à moi ainsi qu’à Lucien Derainne, avec qui je me suis associé pour le jeu.
Nous avons choisi l’univers maritime plutôt que celui du jardin, car nous avions plus d’idées de sujets pour les cartes. Dans le jardin, il y avait beaucoup d’idées qui portaient sur des barrières ou des haies, qui ne sont pas évidentes à représenter en origami de manière agréable. Alors qu’avec des vagues, des bateaux et des coquillages, nous pouvions explorer l’univers marin avec des sujets à la fois variés et qui permettaient de s’amuser en pliage.
Quel est votre jeu de société préféré ?
C’est difficile à dire, car mes goûts varient, mais il y a un incontournable qui revient souvent, en version duel ou multijoueur : 7 Wonders. Ce jeu a été pour moi une des grandes portes d’entrée dans l’univers des jeux de société modernes, m’éloignant des jeux traditionnels comme le tarot, la belote ou le Monopoly.
C’est l’un des premiers jeux que j’ai achetés et il revient régulièrement sur ma table. J’apprécie particulièrement les jeux qui me permettent de me projeter dans un univers visuel original. Récemment, j’ai beaucoup aimé le jeu « Mycelia », qui nous plonge dans l’univers de la forêt et des champignons représentés comme des petits êtres. La mécanique de jeu est intéressante et le travail d’illustration nous immerge dans un univers esthétique et fictif tout au long de la partie.
D'où vous est venue l'inspiration pour l'affiche du Festival des Jeux de Vichy 2024 ?
Pour cette affiche, j’ai cherché à concilier plusieurs requêtes de l’équipe du Festival de Vichy. L’objectif était de créer une illustration qui évoque à la fois l’univers du jeu, intègre impérativement la mascotte revisitée du festival (le meeple orange), et représente l’esprit de la ville de Vichy, avec sa verdure et son architecture.
La première étape a consisté à simplifier tous ces éléments pour obtenir un visuel clair et lisible. C’était l’enjeu principal de nos discussions : trouver un équilibre entre l’intégration des éléments requis et la lisibilité de l’affiche. Il fallait évoquer Vichy et le jeu de manière cohérente, sans surcharge visuelle ou chromatique.
Pour représenter Vichy, j’ai souhaité intégrer des éléments clés au-delà de la végétation. J’ai donc puisé mon inspiration dans le patrimoine architectural de la ville, souvent mis en avant dans ses campagnes de communication. En parcourant des photos, j’ai été frappé par la verrière remarquable du Palais des Congrès, où se déroule le festival. J’ai donc tenté de la styliser de manière simple et évocatrice.
Pour le symbole du jeu, nous avons choisi le Joker, présent dans tous les jeux de cartes. L’utilisation d’un personnage humanoïde permet de suggérer une interaction entre ce personnage en origami et la mascotte du festival. Le meeple, à la fois pion et représentation des joueurs, est un élément central de l’univers du jeu. Cette dualité avait déjà été explorée sur les affiches précédentes du festival.